dimanche 23 octobre 2011

CHRONIQUES des jours entiers, des nuits entières - X. Durringer


CHRONIQUES des jours entiers, des nuits entières, Xavier Durringer, éditions Théâtrales, 1996, 2002.

"Le ciel s'ouvre. Ça s'agite. On sent venir les choses.
L'air change, tout se transforme, lentement.
Chaque mur suinte, chaque trottoir devient glissant, les fenêtres deviennent épaisses, les routes se raccourcissent, les champs brûlent, les arbres se dépouillent, les fumées s'épaississent, les enfants jouent plus fort.
Les uns essayent, les autres s'endorment."

p.75

dimanche 15 mai 2011

Le Silmarillion - J.R.R. Tolkien


Le Silmarillion, J.R.R. Tolkien, édition établie et préfacée par Christopher Tolkien, traduit de l'anglais par Pierre Alien, éd. Presses Pocket, 1984. [Christian Bourgeois, 1978]

"Le destin s'abattit par surprise sur les Humains le trente-neuvième jour après le départ de la flotte. Des flammes jaillirent soudain de Meneltarma, un grand vent s'éleva en même temps qu'un vacarme venu de la terre, le ciel bascula et les montagnes se renversèrent. Númenor s'enfonça dans la mer, aves ses femmes, ses enfants, ses jeunes filles et ses fières dames, avec ses jardins, ses palais et ses tours, ses tombes et ses richesses. Tous les joyaux, toutes les étoffes, les peintures et les ciselures, le rire et la gaieté, le savoir et l'histoire, tout disparut à jamais. A la fin une vague haute comme une montagne, verte et glacée, empanachée d'écume, vint recouvrir la terre et prendre en son sein Tar-Míriel, la Reine plus pure que l'argent, l'ivoire ou les perles. Elle voulut trop tard escalader les pentes du lieu sacré sur le Meneltarma, les eaux l'emportèrent et son cri se perdit dans les hurlements du vent.
Amandil parvint-il à Valinor, Manwë écouta-t-il ses prières ? En tout cas, les Valar épargnèrent à Elendil, à ses fils et à son peuple le sort de Númenor.
(...)
Plus tard, Elendil et ses enfants fondèrent des royaumes sur les Terres du Milieu. Leur savoir et leurs talents n'étaient qu'un écho lointain de ce qu'ils étaient avant que Sauron ne fût venu à Númenor, mais ils parurent immenses aux sauvages qui parcouraient le monde. Beaucoup de récit racontent les exploits des héritiers d'Elendil sans les temps qui suivirent et de leur lutte avec Sauron qui n'était pas finie.
Car Sauron lui-même fut terrorisé par la colère des Valar et la ruine infligée par Eru sur la terre et sur la mer. C'était beaucoup plus qu'il n'avait espéré, voulant seulement la mort des Númenoréens et de leur orgueilleux monarque. Sauron, assis sur son trône noir au centre du Temple, avait ri en entendant les trompettes d'Ar-Pharazôn sonner pour annoncer la bataille, il avait ri en écoutant le tonnerre et la tempête, il avait ri encore à ses propres pensées, rêvant à ce qu'il allait faire dans un monde débarrassé pour toujours des Edains, et au milieu de son rire son trône et son temple plongèrent dans l'abîme. Mais Sauron n'était pas fait de chair mortelle, et si la forme sous laquelle il avait fait tant de mal lui fut arrachée et qu'il ne put plus jamais paraître aimable aux yeux des hommes, son esprit s'échappa du gouffre, passa comme l'ombre d'un vent sinistre sur la mer et regagna les Terres du Milieu et Mordor, sa demeure. Il retrouva ses remparts de Barad-dûr et y resta sombre et muet jusqu'à ce qu'il se fût donné une apparence nouvelle, l'image même de la haine et du mal, et rares étaient ceux qui pouvaient soutenir le regard du terrible Sauron.
Mais cela ne fait pas partie du récit de la Submersion de Númenor, dont tout a été dit."

p.366-368

dimanche 17 avril 2011

L'affaire Jane Eyre - J.Fforde


L'affaire Jane Eyre, Jasper Fforde, traduit de l'anglais par Roxane Azimi, coll. "domaine étranger", éd. 10/18, 2005.

"De l'autre côté du Portail de la Prose, Polly se tenait sur la rive herbeuse d'un ggrand lac, écoutant le doux clapotis de l'eau. Le soleil brillait, et de petits nuages floconneux voguaient paresseusement dans l'azur du ciel. Le long de la baie, on apercevait des myriades de jonquilles jaune vif qui poussaient dans l'ombre ajourée d'une boulaie. Les fleurs frissonnaient et dansaient dans la brise dont le souffle embaumait la fraîche odeur de printemps. Tout était calme et paisible. Le monde dans lequel elle se trouvait à présent n'était pas terni par la méchanceté des hommes. C'était le paradis.
- C'est beau ! dit-elle enfin, exprimant ses pensées à voix haute. Les fleurs, les couleurs, les senteurs... comme si on respirait du champagne.

- Cela vous plaît, madame ?

Un homme âgé de quatre-vingt ans au moins lui faisait face. Il était vêtu d'une cape noir ; un demi-sourire éclairait son visage raviné. Il contempla les fleurs.

- Je viens souvent ici. Chaque fois que le marasme de la dépression prend possession de mon être.

- Vous avez de la chance, répondit Polly. Nous, on doit se contenter de
Kézako Quiz.
-
Kézako Quiz ?
- C'est un jeu de questions-réponses. A la télé.

- La télé ?

- Oui, c'est comme le cinéma, mais sans les pubs.

Il fronça les sourcils sans comprendre et se tourna de nouveau vers le lac.

- Je viens souvent ici. Chaque fois que le marasme de la dépression prend possession de mon être.

- Vous l'avez déjà dit, ça.

Le vieil homme la regarda comme s'il s'éveillait d'un profond sommeil.

- Que faites-vous là ?

- C'est mon mari qui m'a envoyée. Je m'appelle Polly Next.

- Je viens ici quand je me sens d'humeur absente ou songeuse.

Il agita la main en direction du lac.

- Les jonquilles, vous savez.

Polly jeta un coup d'oeil sur les fleurs d'un jaune éclatant qui bruissaient dans la brise tiède.

- J'aurais bien voulu avoir une aussi bonne mémoire, murmura-t-elle. L'homme en noir lui sourit.

- L'oeil intérieur, c'est tout ce qui me reste, fit-il, mélancolique.

Le sourire déserta sa figure austère.

- Tout ce que j'étais autrefois se trouve maintenant ici ; ma vie est contenue dans mes oeuvres. Une vie en volumes de mots ; voilà qui est poétique.

Il poussa un profond soupir et ajouta :

- Mais la solitude ne rime pas toujours avec bonheur, vous savez.

Son regard se perdit au loin. Le soleil jouait sur l'eau du lac.

- Ca fait combien de temps que je suis mort ? demanda-t-il à brûle-pourpoint.

- Plus de cent cinquante ans.

- Vraiment ? Au fait, ç'a donné quoi, la révolution en France ?

- Il est encore trop tôt pour le dire.

Le soleil disparut, et Wordsworth fronça les sourcils.

- Tiens, marmonna-t-il. Je ne me rappelle pas avoir écrit cela...

Polly leva les yeux. un gros nuage noir chargé de pluie obscurcissait le soleil.

- Qu'est-ce que... ? commença-t-elle.

Mais Wordsworth n'était plus là. Le ciel s'assombrit, et le tonnerre gronda, menaçant, à distance. Un vent fort se leva ; le lac parut se figer et perdre toute profondeur ; les jonquilles ne bougaient plus, formant une masse compacte jaune et vert. Un cri de frayeur lui échappa lorsque le ciel et le lac se rejoignirent ; jonquilles, nuages et arbres reprirent leur place dans le poème - mots, sons, gribouillis sur papier sans autre signification que celle dont les pare notre imagination. Polly poussa un dernier hurlement de terreur : les ténèbres l'enveloppèrent et le poème se referma sur elle."

p.145-147

dimanche 10 avril 2011

Métamorphoses de l'âme et ses symboles - C. G. Jung


Métamorphoses de l'âme et ses symboles : Analyse des prodromes d'une schizophrénie, C. G. Jung, Avec 300 illustrations choisies par Yolande Jacobi, Préface et traduction d'Yves Le Lay, coll. "références", éd. Le Livre de Poche, 2004. [Symbole der Wandlung, éd. Rascher, 1952 ; éd. Georg, 1953, 1987, 1989, 1993]

"La pensée dirigée, ou, comme on pourrait aussi l'appeler, la pensée en mots, est de toute évidence l'instrument de la culture ; nous ne risquons pas de nous tromper en disant que le gigantesque travail d'éducation que les siècles ont fait subir à la pensée dirigée, en la dégageant de façon originale de la subjectivité individuelle pour la conduire à l'objectivité sociale, a contraint l'esprit humain à un travail d'adaptation auquel nous devons l'empirisme et la technique d'aujourd'hui qui sont absolument premiers dans l'histoire du monde. Les siècles précédents ne les ont pas connus. Assez souvent déjà les esprits curieux se sont demandés pourquoi les connaissances si développées que les anciens avaient des mathématiques, de la mécanique et de la matière, unies à une dextérité artistique sans exemple, ne furent jamais utilisées par eux pour faire des rudiments techniques bien connus (par exemple, les principes des machines simples) quelque chose de bien plus qu'un jeu curieux, en les poussant jusqu'à une véritable technique au sens d'aujourd'hui. A cela il faut répondre : quelques esprits éminents mis à part, il manquait généralement aux anciens la capacité de suivre avec intérêt les transformations de la matière inanimée de façon à pouvoir reproduire artificiellement les processus naturels. Or, c'est ainsi seulement qu'ils auraient pu les dominer. Il leur manquait le training de la pensée dirigée. le secret du développement culturel, c'est la mobilité de l'énergie psychique et son aptitude à se déplacer. La pensée dirigée de notre époque est une acquisition plus ou moins récente, tout à fait étrangère à ces temps lointains.
Nous en arrivons ainsi à cette autre question : que se passe-t-il quand nous ne dirigeons pas notre pensée ? Car alors elle est privée de la représentation supérieure et du sentiment de direction qui en émane. Nous ne contraignons plus notre pensée à suivre des voies déterminées ; nous la laissons planer, plonger et réapparaître selon son propre poids. Selon Külpe, la pensée est une sorte "d'acte volontaire intérieur" dont l'absence conduit nécessairement à un "jeu automatique de représentation". James considère la pensée non dirigée ou "pensée simplement associative" comme la forme ordinaire de la pensée. Voici comment il s'exprime à ce sujet : "Une bonne partie de notre activité mentale est constituée par des suites d'images se suggérant les unes les autres, par une sorte de rêverie spontanée qu'on ne saurait guère refuser aux animaux supérieurs. Cependant, cette activité-là ne laisse pas d'aboutir à des conclusions raisonnables, tant dans l'ordre pratique que dans l'ordre spéculatif."
"En général, cette pensée sans contrôle unit des données concrètes et non des abstractions".
Nous pouvons compléter comme suit ces remarques de William James. Cette pensée n'est pas pénible ; elle éloigne de la réalité pour aller vers des fantaisies du passé ou de l'avenir. Là cesse la pensée en mots ; les images succèdent aux images, les sentiments aux sentiments. De plus en plus clairement apparaît une tendance à créer et organiser tout, non comme les choses sont dans la réalité mais comme on désirerait qu'elles fussent. La matière de cette pensée qui se détourne du réel ne peut donc être que le passé avec ses milliers d'images-souvenirs. Le langage commun appelle "rêver" cette façon de penser."

p.64-66

dimanche 27 mars 2011

Rouge Rouge Petit Chaperon Rouge - E. van de Vendel et I. Vandenabeele


Rouge Rouge Petit Chaperon Rouge, texte d'Edward van de Vendel et illustrations d'Isabelle Vandenabeele, éd. du Rouergue, 2003. [Rood Rood Roodkapje - traduit du néerlandais par Daniel Cunin]

"Il était une fois une petite fille qui se satisfaisait d'un rien. Porter de beaux habits rouges. Jouer aux billes avec des billes rouges. Manger du chou rouge, des betteraves - ah non, pas de betteraves, mais en revanche de la sauce tomate ou bien des groseilles. Avoir un tapis rouge et, dans son lit, des oreillers rouges. Voilà tout ce qu'elle voulait, car le rouge la rendait heureuse. Le rouge la faisait rire. Rire de toute sa bouche rouge, de toute sa langue rouge et de toutes ses lèvres rouges."

p.4-5p.19

"Est-elle libre à présent de faire les choses rouges comme elle veut ? quand elle veut ? Le rouge, ça n'a pas de limites, se dit-elle."

p.32-33

dimanche 6 mars 2011

Guillaume le Maréchal - G.Duby


Guillaume le Maréchal, ou Le meilleur chevalier du monde, Georges Duby, coll. "folio histoire", éd Fayard, 2003. [Fayard, 1984]

"1
Le comte Maréchal n'en peut plus. La charge maintenant l'écrase. Trois ans plus tôt, quand on le pressait d'assumer la régence, quand il finit de guerre lasse par accepter, devenant "gardien et maître" de l'enfant roi et de tout le royaume d'Angleterre, il avait bien dit et répété : "Je suis trop vieux, faible et tout démantibulé". Quatre-vingts ans passés, disait-il. Il exagérait un peu, ne sachant pas très bien son âge. Mais qui le savait à cette époque ? Dans la vie, l'importance allait à d'autres dates que celle de la naissance. On oublie celle-ci. Et les grands vieillards étaient si rares qu'on les vieillissait, qu'ils se vieillissaient encore. D'ailleurs, nous ne savons pas, nous non plus, exactement quand Guillaume le Maréchal est né. Les historiens ont calculé, supputé ; ils proposent : aux alentours de 1145. Sans préciser d'avantage. Le Maréchal sort de trop bas pour qu'ils le puissent, à coups d'archives. Alors que, dans l'année dont je parle à présent, en 1219, la fortune l'a porté si haut qu'il est possible de suivre, jour après jour ou presque, ses derniers faits, ses derniers gestes."

p.7

dimanche 27 février 2011

y recuerda - J.O. Oller (Milimbo)


y recuerda, {2a Edición revisada}, ilustraciones de Juanjo G. Oller, éd. Milimbo, 2010.

" 'Caperucita Roja' habla de pasiones humanas, de voracidad oral, y de deseos agresivos y sexuales en la pubertad. Opone la oralidad controlada del niño maduro (la comida agradable que lleva a la abuela) a su forma mas primitiva (el lobo que devora a la abuela y a la niña). Gracias a la violencia, incluyendo la que salva a las dos mujeres y destruye al lobo cortándole la barriga y poniéndole después piedras en su interior, el cuento no muestra el mundo de color de rosa. La historia termina cuando todos los personajes -niña, madre, abuela, cazador y lobo- 'hacen lo que les corresponde': el lobo intenta escapar y muere, después de lo cual el cazador le saca la piel y se la lleva a casa; la abuela se come lo que Caperucita le ha traído; y la niña aprende la lección. No hay conspiración alguna por parte de los adultos que obligue al héroe del cuento a enmendar sus acciones como exige la sociedad, proceso que niega el valor de la guía interna. Lejos de que otros lo hagan por ella, la experiencia de Caperucita la lleva a cambiar, puesto que promete '... y no saldré del camino cuando vaya sola por el bosque'.
El Psicoanálisis de los cuentos de hadas. Bruno Bettelheim. Crítica"

p. 0-9

p.19-20


Milimbo est une structure de micro-édition de Valencia, composée des adorables Juanjo G. Oller et Trinitat Olcina, dont le travail extrêmement graphique et les originaux de carton ondulé sont à découvrir expressément.

dimanche 20 février 2011

Aurélia - G. de Nerval


Aurélia, suivi de Lettres à Jenny Colon, de La Pandora et de Les Chimères, Gérard de Nerval, édition établie et commentée par Béatrice Didier, introduction de Jean Giraudoux, éd. Le Livre de Poche, 1972. [Bernard Grasset, 1942]

"Je ne sais comment expliquer que, dans mes idées, les évènements terrestres pouvaient coïncider avec ceux du monde surnaturel, cela est plus facile à sentir qu'à énoncer clairement. Mais quel était donc cet Esprit qui était en moi et en dehors de moi ? Était-ce le Double des légendes, ou ce frère mystique que les Orientaux appellent Ferrouër ? - N'avais-je pas été frappé de l'histoire de ce chevalier qui combattit toute une nuit dans une forêt contre un inconnu qui était lui-même ? Quoi qu'il en soit, je crois que l'imagination humaine n'a rien inventé qui ne soit vrai, dans ce monde ou dans les autres, et je ne pouvais douter de ce que j'avais vu si distinctement.
Une idée terrible me vint : "L'homme est double", me dis-je. - "Je sens deux hommes en moi", a écrit un Père de l'Église. - Le concours de deux âmes a déposé ce germe mixte dans un corps qui lui-même offre à la vue deux portions similaires reproduites dans tous les organes de sa structure. Il y a en tout homme un spectateur et un acteur, celui qui parle et celui qui réponde. Les Orientaux ont vu là deux ennemis : le bon et le mauvais génie. "Suis-je le bon ? suis-je le mauvais ? me disais-je. En tout cas, l'autre m'est hostile... Qui sait s'il n'y a pas telle circonstance ou tel âge où ces deux esprits se séparent ? Attachés au même corps tous deux par une affinité matérielle, peut-être l'un est-il promis à la gloire et au bonheur, l'autre à l'anéantissement ou à la souffrance éternelle?" Un éclair fatal traversa tout à coup cette obscurité... Aurélia n'était plus à moi !... Je croyais entendre parler d'une cérémonie qui se passait ailleurs, et des apprêts d'un mariage mystique qui était le mien, et où l'autre allait profiter de l'erreur de mes amis et d'Aurélia elle-même. Les personnes les plus chères qui venaient me voir et me consoler me paraissaient en proie à l'incertitude, c'est-à-dire que les deux parties de leurs âmes se séparaient aussi à mon égard, l'une affectionnée et confiante, l'autre comme frappée de mort à mon égard. Dans ce que ces personnes me disaient, il y avait un sens double, bien que toutefois elles ne s'en rendissent pas compte, puisqu'elles n'étaient pas en esprit comme moi. Un instant même, cette pensée me sembla comique en songeant à Amphitryon et à Sosie. Mais, si ce symbole grotesque était autre chose, - si, dans d'autres fables de l'Antiquité, c'était la vérité fatale sous un masque de folie ? "Eh bien, me dis-je, luttons contre l'esprit fatal, luttons contre le dieu lui-même avec les armes de la tradition et de la science. Quoi qu'il fasse dans l'ombre et la nuit, j'existe, - et j'ai pour le vaincre tout le temps qu'il m'est donné encore de vivre sur la terre." "
p.41-43

Et je ne résiste pas : l'introduction de Jean Giraudoux est également savoureuse, si ce n'est plus.
"Il est une catégorie d'écrivains auxquels notre imagination a réservé en nous une place si sûre, qu'il nous paraît parfois presque superflu, non certes qu'ils aient existé, mais que nous les lisions. Logés en particulier aux points douloureux de la pensée française - car c'est aux écrivains français surtout que je pense -, le rôle qu'ils jouent a suffisamment d'importance pour qu'on leur pardonne d'être le plus souvent de médiocres auteurs et que leur tienne lieu de talent la lumière tragique dont leur place est marquée. Il fallait qu'ils existassent, et il est curieux de voir que ce caractère de nécessité absolue s'attache surtout à ceux dont l'existence fut une suite de hasards, de rêves, ou d'accidents."
p.IX

dimanche 13 février 2011

Toboggans des maisons - A.Marembert et A.Calleja


Toboggans des maisons, Poèmes d'Amandine Marembert, Illustrations d'Audrey Calleja, coll. "le farfadet bleu", éd. L'Idée Bleue / Cadex, 2009.

p.6-7

p.16-17

"les montres tu les portes pour moi qui me défile à chaque coup d'aiguille
mélange parfois le jour et la nuit de l'endors-matin au réveil-soir"
p.21

dimanche 30 janvier 2011

Capucine - C.Dreyfuss et C.Grosperrin


Capucine, Corinne Freyfuss et Camille Grosperrin, coll. "Bigre", éd. Diantre !, 2008.



"Dansons la capucine, y'a pas de pain chez nous, y'en a chez la voisine, mais ce n'est pas..."
p. 4-5


"je tremble / quand il s'approche"
p. 8-9


"je vais le TUER.
je suis méchante,
je le sais.
j'ai de mauvaises pensées.
je les ai arrosées
je les ai soignées
j'ai les doigts verts pour les mauvaises pensées.

pour nous..."

p.40-41


"lui, il dit que la méchanceté se lit dans mes yeux.
des yeux myosotis, dit maman.
encore des fleurs."

p.42-43



"peut-on tuer quelqu'un rien qu'en y pensant très fort ?
peut-on protéger quelqu'un rien qu'en y pensant très fort ?"

p.72-73

dimanche 16 janvier 2011

Iceberg - M.Hellman


Iceberg, Michel Hellman, coll. "Colosse" n°20, jimmy beaulieu éd., 2010. [traduction en inuktitut : Georges Filotas]

"Le 21 janvier 1968, un bombardier B-52 américain transportant quatre bombes H de 1,1 mégatonne chacune s'écrasa dans l'océan Arctique et provoqua une contamination radioactive importante. L'incendie causé par l'impact fit fondre la glace et l'une des bombes coula au fond de la mer.
Elle n'a jamais pu être récupérée.
Le haut commandement de l'armée exigea le secret. Ce n'est que depuis peu que l'on découvre les détails concernant cet évènement, qualifié par les experts comme l'une des plus graves catastrophes nucléaires de notre histoire."


p.40




p.8-13-25

Informations : "Colosse" ; Michel Hellman

dimanche 9 janvier 2011

Du luxe et de l'impuissance - J.-L. Lagarce


Du luxe et de l'impuissance, Jean-Luc Lagarce, coll. "Du Désavantage du vent", éd. Les Solitaires Intempestifs, 2008.

"Se faire de nouvelles promesses. Se promettre de ne plus recommencer. Aller son chemin. Ne pas écouter les conseilleurs attentifs, les conseillers pleins de sollicitudes. Se méfier de toutes les certitudes. Continuer à avoir peur, être inquiet, ne jamais être sûr de rien. S'inquiéter du respect et se garder de la fausse insolence. Haïr la parodie. Se souvenir. Ne jamais oublier de tricher. Dire la vérité et ne plus s'en vanter. Abandonner les voies rapides et suivre les traces incertaines. Parfois aussi, de temps à autre, s'arrêter, ne plus rien faire et ne pas même affirmer que ce fût pour réfléchir. Prendre son temps. Ricaner dans les moments inopportuns. Sourire avec douceur. Ne pas être, jamais, efficace, renoncer. Lutter contre les médiocres. Résister. Éviter toujours ces mots-là, ces choses qu'on ne comprend jamais, "le consensus", "la conjoncture", "les synergies", on a beau avoir fait des études, ces mots-là, on ne les comprends pas, alors, on les laisse. Ne pas craindre l'affrontement. Ne pas craindre même, admettons, de provoquer l'affrontement. Chercher la bagarre, oui, "des fois", et même juste pour rire. S'en moquer. Garder en réserve, toujours, au milieu des défaites, la légère et nécessaire ironie de la victoire. Inversement aussi, j'allais le dire.
______________________________________________
Éditorial pour la plaquette de saison 1991/1992 du Théâtre Granit, Belfort."


p. 7-8

dimanche 2 janvier 2011

Le trait - G. Noordzij


Le trait, une théorie de l'écriture, Gerrit Noordzij, coll. "Bibliothèque typographique", Ypsilon éd., 2009.

"Lorsque les faits nous obligent à comparer les écritures avec les caractères d'imprimerie on cache les faits. L'histoire du romain du roi en fournit un bel exemple. Ce caractère d'imprimerie fut gravé vers 1700 suivant les prescriptions d'un comité scientifique. Le projet fut présenté sur un fond quadrillé, le procédé classique pour reproduire les dessins à l'échelle. Les notes de la commission confirment ce que chacun peut constater : le projet reproduit jusque dans les détails l'écriture de Romain Jarry qui était vers 1650 le calligraphe du Cabinet du Roi. Il n'y a donc pas de doute possible : le romain du roi, le caractère d'imprimerie est bel et bien issu de l'écriture de Jarry, ce qui ruine les fondements des sciences de l'écriture. Les scientifiques évitent le séisme en le passant sous silence. Ils présentent le romain du roi comme un tournant historique. Le fond quadrillé devient alors l'origine véritable du caractère d'imprimerie et c'est ainsi que les caractères d'imprimerie seraient devenus indépendants de l'écriture manuelle.
Ce faux en écriture est fait pour sauver un point de vue intenable, mais le résultat est le contraire. Il est impossible de parler de l'indépendance des caractères d'imprimerie sans évoquer le souvenir de cette falsification de l'histoire. Les falsifications sont des phénomènes familiers en matière scientifique. Un scientifique peut succomber à la tentation lorsque sa théorie , lorsque l'oeuvre de sa vie, est menacée de réfutation. La lettre d'imprimerie et la pédagogie offrent de très nombreuses tentations d'oublier les données factuelles de l'écriture, de les passer sous silence, de les occulter, parce que les points de vue professionnels en matière d'écriture mènent forcément à conclure à l'indépendance des lettres d'imprimerie pa rapport à l'écriture informelle et parce que leurs points de vue ne sont défendables qu'au mépris des faits établis."
p.17-18