dimanche 2 janvier 2011

Le trait - G. Noordzij


Le trait, une théorie de l'écriture, Gerrit Noordzij, coll. "Bibliothèque typographique", Ypsilon éd., 2009.

"Lorsque les faits nous obligent à comparer les écritures avec les caractères d'imprimerie on cache les faits. L'histoire du romain du roi en fournit un bel exemple. Ce caractère d'imprimerie fut gravé vers 1700 suivant les prescriptions d'un comité scientifique. Le projet fut présenté sur un fond quadrillé, le procédé classique pour reproduire les dessins à l'échelle. Les notes de la commission confirment ce que chacun peut constater : le projet reproduit jusque dans les détails l'écriture de Romain Jarry qui était vers 1650 le calligraphe du Cabinet du Roi. Il n'y a donc pas de doute possible : le romain du roi, le caractère d'imprimerie est bel et bien issu de l'écriture de Jarry, ce qui ruine les fondements des sciences de l'écriture. Les scientifiques évitent le séisme en le passant sous silence. Ils présentent le romain du roi comme un tournant historique. Le fond quadrillé devient alors l'origine véritable du caractère d'imprimerie et c'est ainsi que les caractères d'imprimerie seraient devenus indépendants de l'écriture manuelle.
Ce faux en écriture est fait pour sauver un point de vue intenable, mais le résultat est le contraire. Il est impossible de parler de l'indépendance des caractères d'imprimerie sans évoquer le souvenir de cette falsification de l'histoire. Les falsifications sont des phénomènes familiers en matière scientifique. Un scientifique peut succomber à la tentation lorsque sa théorie , lorsque l'oeuvre de sa vie, est menacée de réfutation. La lettre d'imprimerie et la pédagogie offrent de très nombreuses tentations d'oublier les données factuelles de l'écriture, de les passer sous silence, de les occulter, parce que les points de vue professionnels en matière d'écriture mènent forcément à conclure à l'indépendance des lettres d'imprimerie pa rapport à l'écriture informelle et parce que leurs points de vue ne sont défendables qu'au mépris des faits établis."
p.17-18

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