L'Art Tangent, Odile Darbelley & Michel Jacquelin, sous la direction de Claire David, éd. Actes Sud, 2007.
"B.T. [Benjamin Tardillon] : Vous pensez qu'il faut déconnecter le plaisir de la collection du plaisir de posséder ?
E.R. [Emmanuel Rath] : Absolument, dans toute collection c'est la part de virtuel qu'il faut développer. Je réfléchis à une collection au carré : je collectionne un objet de chaque collection (un timbre, une poupée, une étiquette de vin, une montre, un Picasso, etc.). En somme, collectionner des idées de collection.
B.T. : C'est sans fin ?
E.R. : Oui, c'est sans fin, mais tant que c'est dans la tête, cela ne dérange pas trop... Quand j'étais adolescent, un de mes amis, Jean-Jacques Lebeau, avait entrepris de récolter au hasard de ses promenades, sur les réverbères, sur les murs ou les balustrades, les panneaux 'peinture fraîche'. Tout un pan de sa chambre en était recouvert. Il en avait une belle quantité ; ils pouvaient être offerts par des grandes marques ou manuscrits, écrits hâtivement, maculés de traces de couleur ou d'adhésifs. Il me racontait d'où venait telle ou telle nouvelle pièce et nous imaginions en silence les suites de son geste. Nous ne parlions pas vraiment de conséquences. Jean-Jacques Lebeau n'était jamais lourd. L'évocation d'un banc du square nous suffisait. En partant, je me souviens aussi que je me débrouillais toujours pour ne pas effleurer la peinture noire de la porte de sa chambre. Un panneau 'peinture fraîche', c'est comme un escalier roulant arrêté, cela crée toujours un trouble.
B.T. : Comment commence une collection ?
E.R. : Par un bout, par plaisir, dans l'idée, dans la projection dans le futur : commencer, c'est décider d'ordonner différemment sa perception du monde. Derrière toute collection, il y a une volonté et au moins une personne."
p.92-93
Pour positionner un peu :
"L’Art Tangent est tangibleLe groupe Albert Pophtegme, extrait du Manifeste contre toute forme de reconnaissance de l’Art Tangent
On n’attend rien de l’Art Tangent et réciproquement.
L’art contemporain glisse en ligne droite depuis Marcel, l’Art Tangent ondule depuis Duchamp Duchamp comme la réglisse.
La perspective de l’Art Tangent est devant lui quand il se retourne.
L’Art Tangent n’est ni moderne, ni post-moderne, il est ailleurs.
L’Art tangent c’est la cerise sans le gâteau.
L’Art Tangent est à l’art contemporain ce que la pression est à la bière.
L’Art Tangent prend la voie du doute, de ce doute, que faute de mieux, nous appelons l’humour.
L’Art Tangent est uchronique mais il se soigne.
L’inutilité immédiate de l’art Tangent est exactement proportionnelle à la portée de sa trajectoire."
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